31 oct. 2012

Un article dans la presse marocaine

Un article dans la presse marocaine a été publié ce lundi 15 octobre 2012 suite à l'exposition "Alchimie oasienne" à l'espace Balzac de Kénitra.



À première vue, l’univers artistique de Nadège Moyart ne s’offre pas facilement à la perception du visiteur. Il peut même attiser chez lui une curiosité pour déceler les mystères d’un travail, fruit d’un coup de foudre pour cette belle nature des oasis du sud marocain. À la suite de ses voyages dans la province d’Errachidia, l’artiste-peintre livre sa vision de ces grandes étendues, de cette nature présaharienne contrastée. «J’ai effectué mon premier voyage dans la province d’Errachidia au Maroc, il y a deux ans, suite à une bourse obtenue auprès de la ville de Paris et de la Seine Saint-Denis, explique-t-elle. Il s’agissait de réaliser un reportage graphique sur les initiatives locales mises en place pour lutter contre la désertification. Ce premier travail a pris la forme d’une exposition murale sur l’espace public à Paris intitulée “Paradis en sursis”. En hiver 2011, je me suis à nouveau rendue sur place pour m’imprégner des lieux de façon plus intuitive et sensible tout en conservant le même fil conducteur : la fragilité de l’écosystème oasien.» De retour à Lille, où elle réside, Moyart s’est mise spontanément à travailler avec le pigment pur. Ces poudres de couleur, dit-elle, lui paraissaient être la matière idéale pour évoquer la terre sèche, poussiéreuse et colorée caractéristique de cette région aride.
Son talent artistique est aussi nourri par son savoir scientifique. Elle révèle à cet égard que la terre des oasis de la province d’Errachidia est soumise à une double influence : l’Atlas au Nord, qui alimente les réserves d’eau souterraine, et au Sud le souffle chaud du Sahara. Ajouté à cela le travail de l’homme et les palmeraies peuvent s’épanouir au cœur de ces espaces arides. Il s’agit là d’un véritable travail d’alchimiste entre eau, terre et feu pour trouver le juste équilibre qui fera naître une végétation généreuse. C’est dans cet état d’esprit qu’elle a manipulé les pigments en y ajoutant des liants de toutes sortes afin d’agglomérer cette poudre, de la densifier et ainsi d’y faire émerger une forme. Ces formes sont à l’image des oasis : fragiles, fugaces, mais grouillantes de vie. Les photographies insérées aux dessins, retenues par un simple fil, accentuent cette impression d’instant fragile.
Pour aider le contemplatif à mieux introduire cet univers artistique original et sortant de l’ordinaire, elle n’hésite pas à répondre : «l’ensemble du travail est à appréhender comme une cartographie sensible de la région. Chaque forme est associée à une oasis en particulier, comme une quantité négligeable par sa taille, mais précieuse par sa qualité, perdue dans l’immensité de la steppe présaharienne. Les murs de l’exposition jouent donc un rôle crucial dans la perception des dessins présentés. Une série de cinq photographies complète cet ensemble en faisant image sur cette traversée du désert où l’oasis est attendue comme un miracle.»
Pour des raisons professionnelles, mais surtout pour cet amour qu’elle voue à une nature à la fois fragile et menacée, Nadège Moyart a réalisé aussi un reportage graphique sur les initiatives locales pour lutter contre la désertification dans le sud-est marocain. «À la rencontre des jardiniers du désert, dans la province d’Errachidia au Maroc, j’ai recueilli leurs témoignages sur la fragile beauté des oasis que les caprices du ciel et les erreurs humaines menacent à chaque instant de faire partir en poussière.» Ce projet, raconte-t-elle, s’est construit à l’épreuve du terrain, à la suite d’un séjour en automne 2010. Selon Nadège Moyart, l’immersion dans la vie des oasiens est quelque chose d’essentiel pour pouvoir saisir au plus près l’essence de leurs paroles. Les dessins et photographies complètent et enrichissent leurs témoignages, en donnant corps aux mots. Sa vision philosophique sur les oasis est à découvrir dans ces quelques mots : «l’exposition est pensée comme un long travelling dans l’horizontalité vertigineuse du désert…» Toute une extase à découvrir chez l’oasien et chez l’artiste.



Driss Lyakoubi, LE MATIN